21/06/18 : Philippe MEYNARD invité à témoigner devant les participants du 2ème colloque de « prise en charges des troubles psycho-comportementaux »

Ecrit par Philippe Meynard / 16 juin 2018 / 0 Comments

 Philippe MEYNARD, président de – AVC tous concernés – invité à témoigner devant les participants (personnel soignant, médical, médico-social et paramédical) au 2ème colloque de prise en charge des troubles psycho-comportementaux, organisé à l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux : quelle insertion professionnelle chez les personnes en situation de handicap psychique et cognitif ?
Le texte de l’intervention de Philippe MEYNARD (seul le prononcé fait foi)
Mon histoire
« J’étais maire de Barsac, président d’une intercommunalité et conseiller régional d’Aquitaine, avant d’être victime en février 2014 d’un Accident Vasculaire Cérébral. J’ai été accueilli au sein de l’Unité Neuro Vasculaire du CHU de Bordeaux.
Je suis tombé dans le coma pendant lequel une opération neuro chirurgicale a été réalisée par les équipes médicales, coma d’abord « naturel », avant d’être plongé dans un nouveau coma, « thérapeutique ». Cette précision est importante car évidemment la période d’évacuation des produits fait que la déconnexion est importante. J’ai passé deux mois à l’hôpital, d’abord au Tripode puis à Tastets Girard, puis 8 mois aux Grands Chaînes.
Je vous détaille cela pour vous dire – qu’au delà de la phase aigüe de l’AVC – finalement, les phases les plus difficiles, dures, ont lieu après cette phase aigüe, dans la prise de conscience progressive de son état, physique, psychologique, et les sentiments de vulnérabilité, du constat de diverses diminutions et fragilités, qui conduisent à l’isolement et à la solitude qui ne manquent pas d’arriver.
Quels ont été les troubles psychologiques
Les troubles psychologiques ont été divers, progressifs. Ils sont la conséquence de problèmes cognitifs qui ont une incidence comportementale : des troubles de la mémoire – notamment immédiate – l’ordonnancement des choses, la compréhension, la vulnérabilité émotionnelle, le tout engendrant aussi des difficultés sociales et de relations aux autres.
Les impacts des troubles psychologiques
Par exemple, pour quelqu’un qui menait la vie que je menais « avant », riche, dense, avec un semblant d’organisation, j’ai le sentiment – maintenant – d’être un 4L sur un circuit de formule 1.
Et c’est déjà une grande victoire le fait d’être une 4L, de reprendre le chemin du circuit, le chemin de la vie, en prenant conscience que les autres vont vite et ne prennent pas toujours attention à vous, tout en prenant soin de mettre sa ceinture de sécurité pour être le plus protégé possible !
Tout le travail a – donc – consisté pendant ma rééducation et après, à une prise de conscience du fait que je ne serai plus jamais une formule 1, mais qu’il était possible de transformer sa vie en 4 L.
Evidemment ça a été très difficile, j’ai connu différentes étapes : le déni, la colère, l’acceptation, la dépression, pour conduire sur le circuit de formule 1 avec ma petite 4L, un chemin de résilience.
Comment j’en suis sortie et ai changé de vie ?
Ce fut long, difficile, douloureux. Le vide, le sentiment que la vie sociale est finie, un effacement progressif de tous les repères sociaux au sens de la « vie sociale ».
Je n’ai pas fait ce chemin tout seul. On ne peut pas faire le chemin tout seul. Je crois même qu’on ne peut pas le faire exclusivement avec sa famille et ses proches.
L’aide d’une personne extérieure est capitale. J’ai d’ailleurs été accompagné par un psychiatre pour réapprendre à nager alors que la seule issue c’était le fond de la piscine, et être convaincu qu’après l’orage vient l’éclaircie et le soleil.
Apprendre autre chose : c’est qu’en fait on ne s’en sort pas, les handicaps invisibles, les problèmes cognitifs se sont pas ressentis quelques mois après l’AVC, ils font désormais partie de la « vie d’après ». On apprend à vivre « avec », à les apprivoiser, à construire une nouvelle vie en fonction de ses troubles. Les troubles cognitifs conduisent à des troubles psychologiques, et donc à des problèmes sociaux. Il faut donc les identifier, pour les maîtriser le plus possible, les contourner aussi.
Pour quelqu’un qui était « avant » dans un sentiment de self contrôle permanent, de maîtrise, le fait d’avancer avec la volonté de rechercher un équilibre permanent, de marcher tel un équilibriste sur le fil, et bien c’est « ma » condition pour « m’en » sortir.
Le changement de vie n’est possible que si l’on accepte que la précédente est finie, définitivement terminée.
Et même si certaines choses rappellent le passé – moi qui vis dans le village où j’ai été élu pendant 25 ans, forcément il y a des choses visuelles qui me rappellent ma vie d’avant – alors il faut les regarder, les apprécier, mais sans regret, sans peine, sans nostalgie.
C’est au fond le deuil d’une vie, et seule la résilience permet d’entrevoir autre chose ».

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