17/11/17 : message à « Rami »

Ecrit par Philippe Meynard / 16 novembre 2017 / 0 Comments

Tu t’appelles Rami. Pendant plusieurs semaines, tu t’es occupé de moi.

D’abord sans que je puisse t’adresser un mot, après un coma et des soins intensifs, une fois que j’étais débranché et respirais « seul », que les tuyaux qui me maintenaient sous assistance respiratoire et m’alimentaient avaient été enlevés, tu t’es occupé de moi. Me surveillant, me sortant du lit pour aller me laver, me portant, venant avec moi sous la douche, les bras autour de mon torse. Me lavant les dents. En m’adressant toujours des mots gentils, me parlant « normalement ». J’étais sans force, une masse, inerte, lourde et complètement silencieuse…

Tu t’appelles Rami. Lorsque j’ai pu parler, c’est à toi que j’ai adressé mes premiers mots. Enfin, « mots »« sons » est plus approprié… Je me souviens que je voulais te marier avec ma sœur, (oui, j’étais maire, et un maire, ça marie) parce que tu étais « gentil », et qu’il lui fallait quelqu’un de « gentil ». Comme toi. Tu as souri me disant « je ne suis pas certain que Madame Rami sera d’accord ». Ah, oui, c’est vrai, j’avais oublié ce paramètre…

C’est à toi que j’ai remis une lettre, et je t’ai dit à qui la remettre. J’y avais écris des choses, je m’étais appliqué, c’était parfait ! D’un blanc parfait. Il est des messages qui s’écrivent avec le cœur et l’esprit, pas obligatoirement avec des mots… Tu as pris ce (petit) bout de papier, et tu m’as dit « d’accord Philippe, je vais la remettre à qui tu me dis ». Et tu l’as fait, la personne en question m’a parlé de son contenu, évidemment très clair pour moi… « totalement blanc » pour elle.

Tu t’appelles toujours Rami. Sauf que je ne t’ai jamais revu. Tu m’as dit « je m’en vais Philippe ». Quelle idée tu avais ! Tu as fait ton travail (et tu le fais sûrement « encore »). Mais pour moi, apeuré et affolé, esseulé, fragile comme un oisillon dans son nid protecteur, sans rien comprendre de ce tsunami dont les dernières vagues tapaient contre la porte de la chambre 1 en Neurologie au CHU de Bordeaux, je ne comprenais pas, je ne comprenais rien…. L’intensité du séisme qui venait de se passer, la violence à laquelle mes proches avaient du faire face… Je parlerai prochainement au travers d’un livre de cet instant précis où la vie a gagné, où une lutte, un combat s’est engagé. « Qui » est venu me chercher, m’a ramené à la vie. « Qui ». Je dirai tout. Le « pourquoi » s’écrit tout les jours. On a chacun un mission à accomplir dans la vie. Il faut croire que « la mienne » n’était pas terminée. D’ailleurs, peut-être n’avait-elle pas commencé dans « ma vie d’avant »

Pourquoi j’écris cela, aujourd’hui ? Je suis allé à Beauvais, invité à participer à une journée de prévention « AVC tous concernés », « un » Rami était « aussi » invité. Je ne me souviens pas à quoi tu ressembles, ce que sont tes traits, mais je me souviens de ta gentillesse, de la douceur de tes actes, de l’empathie et de la bienveillance qui étaient les tiennes. Je les ai retrouvées dans son attitude. Ce fut un moment bouleversant. Car vous avez un autre point commun : vous vous appelez tous les deux « Rami ».

Je souhaite pouvoir te dire « merci ». Le hasard faisant souvent bien les choses, peut-être l’un d’entre-vous connaît « Rami ». Dîtes-lui alors qu’il est l’un des premiers visages que j’ai vu « après », que ma gratitude est immense. Immense… Et que j’aimerais pouvoir lui dire « merci ».

Le propre des bouteilles jetées à la mer, c’est que parfois elles arrivent sur le rivage voulu.

Articles similaires